Pour ce nouveau bulletin, nous avons échangé avec Gildas Minvielle, économiste et directeur de l’Observatoire de l’Institut Français de la Mode, à la veille de la journée annuelle Fashion Reboot qui aura lieu ce jeudi 18 novembre. Gildas Minvielle y interviendra sur le thème « Recomposition de l’écosystème de la mode : chiffres clés et perspective ». Nous l’avons donc interrogé sur l’état actuel du marché ainsi que sur ses projections pour les mois à venir. Pour rappel, le marché de l’habillement a perdu 30% entre 2007 et 2020. Le repli des prix restant léger, cette baisse est principalement liée à la diminution des volumes.
L’état des lieux du marché en France
Sur les neuf premiers mois de l’année 2021, les distributeurs habillement enregistrent une hausse de leur chiffre d’affaires de 6,6% par rapport à 2020 principalement portée par les catégories ventes à distance/pure players (+11,5%), chaînes grandes diffusion (+13,3%) et chaînes spécialisées (+7%). Les chiffres d’affaires habillement des supermarchés-hypermarchés et indépendants multimarques sont en baisse de 2%. Selon Gildas Minvielle, les marques-enseignes interrogées par IFM panel ont également constaté en 2021 une progression du panier moyen (74%) et du taux de transformation (65%). Le marché ne retrouve toutefois pas les niveaux de 2019 (-11,7% sur les neuf premiers mois de l’année) avec une baisse record de 32,6% pour les grands magasins et magasins populaires et une hausse record de 20,6% pour la vente à distance et les pure players.
Gildas Minvielle donne deux exemples particuliers : celui des enseignes multisports qui s’en sont bien sorties en 2021 par rapport à 2019 (+3% sur les neuf premiers mois de l’année) et celui des chaînes spécialisées qui n’ont pas retrouvé en 2021 le niveau de 2019 (-13,3%) mais qui ont vu leur CA croître de 6,5% en 2021. Le segment « grande diffusion » des chaînes spécialisées est celui qui a le moins souffert et qui récupère le plus vite comparé aux chaînes moyenne gamme et luxe accessible. Les chiffres d’affaires des chaînes spécialisées ont par ailleurs essentiellement rebondi en périphérie des villes (+15% en 2021 par rapport à 2020) et en régions (+8,9% en 2021 par rapport à 2020) aux dépens des centres commerciaux et de l’Ile-de-France.
Les ventes en ligne continuent de se développer en 2021 (+17,5%) avec un rythme moins soutenu qu’en 2020. L’augmentation la plus forte entre 2020 et 2021 est celle des chaînes spécialisées (+28%) : leurs ventes en ligne représentent maintenant en moyenne 16% de leur chiffre d’affaires contre 7% en 2019.
Si la consommation d’habillement a rebondi au Royaume-Uni, en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie en 2021, elle ne retrouve naturellement pas les niveaux de 2019. A titre de comparaison, la France enregistre une hausse de 6,6% par rapport à 2020 (contre 15,3% en moyenne dans les autres pays) ainsi qu’une baisse de 11,7% par rapport à 2019 (contre 11,8% en moyenne dans les autres pays).
NB : Toutes les données sont issues de l’outil IFM Panel financé par le DEFI. Le DEFI publie chaque mois sur son blog l’évolution des ventes d’habillement grâce à cet outil. L’événement Fashion Reboot est l’occasion d’exploiter d’autres données issues d’IFM Panel.
Les approvisionnements : un nouvel équilibre
Le cours du coton a fortement augmenté depuis mai 2020, atteignant des niveaux comparables à ceux de 2011. 49% des marques-enseignes interrogées par l’Institut Français de la Mode prévoient ainsi une hausse de leurs prix de 0 à 5% en 2022.
Les importations dans l’UE totalisent 44 milliards d’euros pour les huit premiers mois de 2021 (-0,5% par rapport à 2020). Bien que la Chine reste en tête des pays fournisseurs, ses importations sont en baisse constante depuis 2019. La Turquie, le Maroc et la Tunisie ont notamment gagné des parts de marché. 40% des marques-enseignes interrogées indiquent une baisse du volume de leurs approvisionnements en 2021 et 30% déclarent un volume équivalent.
Pour Gildas Minvielle, nous assistons à un « momentum » en faveur du sourcing de proximité. Si le sourcing « moyen terme » est prééminent (42% des approvisionnements en 2021), 33% des marques-enseignes interrogées prévoient une augmentation du court terme en 2022 avec un renforcement du sourcing de proximité : 58% prévoient de développer leurs approvisionnements en Europe, 50% en Méditerranée et 33% en France. A contrario, 68% prévoient de réduire leurs approvisionnements en Asie. Pour expliquer cette tendance, Gildas Minvielle évoque la minimisation des risques en temps de crise sanitaire mais aussi les questions liées aux surstocks qui fragilisent les marges.
Chine, UE et USA
La Chine est l’une des rares économies à avoir connu la croissance en 2020 (+2,3%) grâce à des perfusions d’argent public. Toutefois, la consommation peine à prendre le relai avec une part anormalement basse dans le PIB (38% en 2020). La part de la Chine dans le commerce mondial de textile s’est élevée à 43,5% en 2020, un chiffre plus élevé que celui des exportations d’habillement (+31,6 %), en partie lié aux ventes de masques.
La relance a eu un impact considérable sur le marché US qui redevient en 2021 le premier marché mondial devant la Chine et l’Union européenne. Ainsi, la consommation d’habillement aux Etats-Unis dépasse en 2021 les niveaux de 2019 de 7% en valeur.
Les perspectives
L’Institut Français de la Mode avait prévu en mars 2021 une progression de 5% des chiffres d’affaires sur l’année par rapport à 2020. Nous sommes aujourd’hui à +6,6% par rapport à 2020 mais les ventes pourraient ralentir d’ici la fin de l’année (la référence de décembre 2020 étant particulièrement élevée. Les exportations françaises d’habillement devraient quant à elle retrouver le même niveau qu’en 2019 grâce à un augmentation d’environ 17% par rapport à 2020.
Si les chiffres d’affaires ne dépassent pas cette année les niveaux de 2019, qu’en sera-t-il en 2022 ? Gildas Minvielle évoque trois scénarios qui correspondent à trois niveaux de marché : scénario optimiste : + 3% par rapport à 2019, scénario médian : on retrouve en 2022 les niveaux de 2019 et enfin, le scénario pessimiste, que l’on ne peut exclure : les niveaux de 2022 s’établissent à – 3% par rapport à 2019.
La journée Fashion Reboot
Pour la première fois, la journée Fashion Reboot se tiendra dans les locaux fraichement rénovés de l’Institut Français de la Mode dont le nouveau campus sera inauguré le 24 novembre en présence de Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, et d’Anne Hidalgo, Maire de Paris. Autre spécificité de cette année : la mise en avant de l’expertise interne de l’Institut Français de la Mode avec l’intervention de 7 professeurs aux côtés de l’institut Rexecode, du cabinet Kéa & Partners, des Maisons AMI Paris et Céline ainsi que des groupes Inditex et SMCP. Après une introduction sur les notions d’espace, de temps, et d’humain, le programme abordera également les perspectives macro-économiques internationales, les nouvelles exigences des consommateurs, la création en temps de reprise, la mode circulaire à 360°, les nouveaux enjeux du retail et les business models gagnants. Vous pouvez le retrouver en détail à cette adresse : Programme – Fashion Reboot 2021.