Clara Daguin donne du style à la tech

Marie Fillon par Louise Desnos

Finaliste du festival de Hyères en 2016, Clara Daguin fait figure d’outsider dans le panorama de la mode française. Son approche inédite du vêtement connecté combinant ingénierie et esthétique lui permet d’être à la pointe de l’innovation textile. 

Clara Daguin a le calme et le phrasé posé de ceux qui savent exactement ce qu’ils font. Née en France mais élevée aux États-Unis, la jeune femme de trente-deux ans a depuis toujours une fascination pour l’électronique. « Mon père est ingénieur. Quand j’étais plus jeune, il fabriquait des ordinateurs à la maison. Il y avait toujours de l’électronique qui traînait partout. Ça me fascinait, je trouvais les circuits magnifiques » explique-t-elle.

Une vision à 360°

Elle grandit au cœur de la Silicon Valley et y intègre une école d’art et de graphisme qui lui donne les moyens d’expérimenter l’expression d’une idée ou d’un concept via différents supports. Le web ainsi que la vidéo, la passionnent. Puis c’est l’âge des expérimentations ; en 2009, son diplôme en poche, la jeune femme s’envole pour six mois de voyage en Inde. Si elle pratiquait déjà la couture de façon artisanale, c’est dans ce pays des extrêmes que Clara Daguin redécouvre un plaisir à manipuler les matières et les textiles.
De retour d’Inde, elle s’installe à paris et travaille en tant que graphiste free-lance tout en prenant des cours de style via le programme de la mairie de Paris. Elle se passionne pour des créateurs conceptuels comme Hussein Chalayan et Martin Margiela, et prend conscience que la mode peut être aussi le média qu’elle recherche pour exprimer ses idées conceptuelles.

Révélation à Hyères

Dans le cadre d’une formation aux Arts Déco, elle participe à un atelier où le but est de hacker des chaises Ikea et de permettre une interaction entre l’humain et la chaise. « Je réalise que l’interactivité qu’on a à travers le web, on peut la mettre dans un objet. Il est possible d’intégrer de l’électronique dans un objet » explique-t-elle. Ces expérimentations se poursuivent grâce à un autre cours consacré aux objets communicants, toujours aux Arts Déco.
« On devait réaliser une capuche musicale avec un zip qui change la tonalité. C’était moche mais amusant » souligne-t-elle. Cette autre étape de son travail la convainc pour son projet de fin d’étude d’intégrer de la lumière dans de la fibre optique.

Une fois son diplôme en poche, Clara Daguin est sélectionnée pour participer au Festival de Hyères. « Ça a été un vrai tremplin car j’étais la seule dans le festival à faire des choses avec de la lumière. Après Hyères, j’ai été invitée partout dans le monde à présenter ma collection. En 2017, il y a même eu un documentaire sur Arte à propos de mon travail » relate-t-elle.
En février 2018, elle participe à une importante exposition au salon Première Vision où elle présente une pièce entièrement brodée lumineuse et interactive. Après sa participation au showroom de créateurs Designers Apartment au Palais de Tokyo, la jeune créatrice décide de sortir du calendrier traditionnel des collections. « Je n’avais pas assez le temps de travailler autour de mon expertise et d’intégrer la lumière à mon travail » explique-t-elle.

Une approche unique


La créatrice décide alors de se caler sur le calendrier de la Haute Couture et présente en juillet dernier une pièce manifeste baptisée Atome. Cette robe néo-futuriste et connectée qui réagit aux sons est présentée à la Chapelle Expiatoire. L’expérience est inédite et fantasmatique, la pièce trône en lévitation et les diodes qui la composent réagissent avec la musique. On est plus proche du happening artistique que de la mode stricto sensu.
Et c’est sans doute là que résident la force et la différence de Clara Daguin : son approche nous donne l’occasion de voir le vêtement autrement, comme un véhicule vers une perception technologique, expérimentale et onirique.

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