Le jeudi 10 octobre, la Fédération de la Maille, de la Lingerie & du Balnéaire et l’Union des Industries Textiles (UIT) ont organisé une conférence intitulée « Nouvelle ère : Projetons-nous », axée sur les enjeux sociétaux et prospectifs des industries textiles. Cet événement était animé par Anna Franquesa, experte en prospective et stratégie dans la filière textile, mode et luxe.
La Noosphère : un « circuit de pensée » mondial
L’un des thèmes abordés fut celui de la Noosphère, concept introduit par le minéralogiste Vernadsky, définissant un « domaine de l’esprit » où la pensée collective émerge grâce à Internet. Ce phénomène est marqué par une dérégulation de l’information et une uniformisation des discours, exacerbée par les réseaux sociaux qui privilégient le contenu au détriment de la véracité.
Nous sommes dans une ère de post-vérité, où les faits laissent place à l’émotion et aux croyances. Parallèlement, la guerre cognitive représente une nouvelle menace, utilisant la manipulation de l’information pour diviser les sociétés. La distinction entre désinformation (fake news : utilisation délibérée de mensonges pour manipuler et attiser les divisions dans la société) et mésinformation (false news : utilisation involontaire d’une information qui est un mensonge ou une erreur) est cruciale.
Pour préserver la pensée critique, il est essentiel de dépasser les bulles de filtres et de s’engager dans un dialogue diversifié.
L’économie de l’attention : un enjeu stratégique
Dans des marchés où l’offre de produits et services est abondante, l’attention humaine devient une ressource rare et précieuse pour les entreprises. Toute interruption affecte la concentration et la productivité. Il faut du temps au cerveau pour se réapproprier la tâche en cours et retrouver le fil de ses idées, ce phénomène s’appelle le coût de la commutation.
La conférence a également souligné les dangers de l’externalisation des désirs, où les décisions des consommateurs sont influencées par des plateformes telles que Google, Apple ou Amazon, redéfinissant nos habitudes de consommation et de pensée. Cette économie de l’attention pousse les entreprises à investir dans la captologie, l’étude de l’informatique et des technologies numériques comme outil d’influence et de persuasion des individus. Si la captologie repose sur la manipulation de notre attention, c’est parce que nous sommes éminemment influençables. Notre cerveau est bourré de biais cognitifs.
Pour s’adapter à cette économie de l’attention, les entreprises doivent optimiser leur approche en influençant positivement les décisions des consommateurs sans compromettre leur capacité de réflexion critique.
L’intelligence artificielle et les nouvelles valeurs sociétales
La montée de l’intelligence artificielle redéfinit profondément les dynamiques au sein des organisations. Reid Hoffman, co-fondateur de LinkedIn, prédit que cinq des neuf métiers actuels disparaîtront d’ici 2034, et il souligne que de nombreux nouveaux métiers que nous occuperons dans 20 ans ne sont pas encore définis. Cela indique un changement radical dans le paysage professionnel.
La relation entre l’humain et la machine se transforme. L’IA générative introduit une nouvelle forme d’empirisme qui coexiste avec celui des travailleurs humains. Les entreprises doivent réévaluer leur fonctionnement en associant intelligences humaine et artificielle.
Il est essentiel d’apprendre à utiliser les nouvelles technologies pour compléter et renforcer l’intelligence humaine. L’intégration réfléchie de l’IA dans le milieu professionnel peut conduire à une collaboration bénéfique, mais elle requiert une préparation adéquate et une prise de conscience des limites des outils technologiques.
Vers une nouvelle responsabilité sociétale : RISE
Les entreprises sont appelées à jouer un rôle central dans la réinvention des structures sociales et économiques. La conférence a mis en avant l’idée d’une transition de la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) vers un modèle de Responsabilité Informationnelle Sociale et Environnementale (RISE). En intégrant l’éthique dans leurs discours et leurs actions, les entreprises peuvent engager durablement leurs collaborateurs et répondre à leur quête croissante de sens au travail.
Une étude citée durant la conférence a montré que 77 % des travailleurs se sentent plus motivés et performants lorsque la culture de leur entreprise correspond à leurs valeurs, mettant en lumière l’importance de construire des cultures d’entreprise solides, basées sur l’éthique, la transparence et l’engagement social.
👉 La conférence « Nouvelle ère : Projetons-nous » a démontré l’importance cruciale de repenser nos structures économiques et sociales face aux bouleversements technologiques. Si l’intelligence artificielle redessine les contours de nos métiers et de nos interactions, l’humain reste au cœur de ces transformations, avec ses compétences relationnelles, cognitives et éthiques. Les entreprises devront intégrer ces dimensions dans leurs stratégies pour s’adapter à cette nouvelle ère et relever les défis futurs.