Le DEFI a confié à LeherpeurParis la réalisation d’une étude prospective sur le secteur afin d’établir son plan d’action pour les trois années à venir.
Cette étude a été conduite en interrogeant à la fois des experts du secteur, des étudiants et des consommateurs et à partir des bases d’information de LeherpeurParis (entretiens qualitatifs, veille, etc.).
Elle a permis d’identifier 3 leviers pour régénérer la filière mode en adressant la question de la mode accessible française et celle de la consolidation de la filière française dans le contexte international.
- Redonner toute sa place à l’homme, l’humain (management et formation), les liens et le commun
- Responsabiliser la filière en ayant en tête la singularité de la mode française et européenne
- Remettre la création du produit, de l’image autour du produit et de l’expérience autour du produit au cœur
L’ensemble des entretiens conduits et l’analyse des tendances fait émerger 10 points clés qui couvrent à la fois des besoins de changement dans les pratiques, des inefficiences à corriger, des terrains à conquérir. Certains relèvent de niveaux très stratégiques, d’autres plus opérationnels.
Dans un monde en plein bouleversement, la filière doit revoir ses schémas de pensée.
Une profonde instabilité agite le monde contemporain. La société oscille entre accélération et nécessité de ralentir. Il faut s’adapter, innover et repenser les modes de vie.
Une triple révolution technologique, digitale et écologique où il faut trouver un équilibre entre développement économique et préservation de la planète.
La mode, parce qu’elle est en première ligne des conflits géostratégiques, de par sa chaîne de valeur, et au cœur des remises en cause sociétales de par son objet, pourrait devenir le bouc-émissaire économique des années à venir.
La filière ne peut plus penser en silo, elle doit passer à une approche écosystème.
Créer un esprit de corps en identifiant le bien commun et en adoptant de nouvelles attitudes, référentiels et outils à la manière d’un Plan Marshall du secteur.
- RSE, pour montrer les avancées communes et se protéger des positions trop radicales
- CRÉATION, pour conserver la longueur d’avance
- CHAÎNE DE VALEUR, pour partager les bonnes pratiques
- HUMAIN, pour faire naître et entretenir les talents
La mode, reflet de la société, doit mener cette campagne : éduquer et favoriser l’interaction entre les acteurs, différents certes, mais unis par l’amour de la création.
Cette évolution ne pourra se faire, sans avoir, au préalable, réhabilité la mode, en l’invitant à renouer avec sa singularité patrimoniale, culturelle et créative, tout en se responsabilisant, en transcendant les critères de traçabilité et transparence (Data et traçabilité).
Démontrer son engagement à ne plus suivre les anciennes pratiques (liées à la pollution, aux conditions de travail, etc.).
Intégrer les notions d’ancrage, de savoir-faire, de patrimoine, de culture dans les certifications et récits de filière, à l’image de la labellisation AOC du vin.
Trouver l’équilibre entre suivre une norme nécessaire et suivre sa propre voie en maintenant son indépendance, son prestige et sa singularité. etc.
Instaurer la différence d’exemplarité (transparence, qualité et créativité) avec les autres pays.
La filière textile doit repenser sa chaîne de valeur, rompre avec des pratiques obsolètes et toxiques, et s’interroger sur l’avenir de la mode accessible française.
Toute la filière doit repenser sa chaîne de valeur : repartir des vrais usages, produire mieux et moins en stoppant les pratiques d’achat toxiques, construire les collections autrement, se rapprocher de l’amont et des industriels, créer une relation de confiance avec les sous-traitants, repenser la cartographie des sourcings
La mode accessible française, doit mener une transformation radicale, qui pourrait débuter par une réflexion collective sur sa définition, sa singularité et sa mission, puis prendre la forme de rapprochements entre acteurs, ou de soutiens des locomotives du secteur ou de relance par l’économie du réemploi et de la réutilisation.
Coincée entre l’approche fonctionnelle du continent américain et l’ultra-fast-fashion venue d’Asie, le milieu de gamme français doit trouver sa propre voie.
Dans ce mouvement de responsabilisation de la filière, l’économie du réemploi et de la réutilisation constitue, plus que pour tout autre secteur, une voie d’avenir.
L’économie du réemploi et de la réutilisation est une nouvelle voie qui permettra à l’écosystème d’avancer sur deux jambes : produire moins et réemployer/réutiliser.
L’économie du RE doit permettre de rétablir l’équilibre entre les acteurs, favoriser la connaissance des matières et des matériaux, se différencier de l’ultra fast-fashion en montant en qualité sur la première main, lutter contre la contrefaçon en mettant en place des bibliothèques des savoir-faire, stimuler la création par la contrainte, former et recruter les talents du RE,
La légitimité RE de la France tient plus à la revalorisation qu’à la seule circularité car son identité mode est patrimoniale, culturelle et ancrée.
Le RE doit être analysé d’un point de vue des contraintes de production et de la réalité des usages pour mesurer les opportunités offertes de manière objective.
Ce nouvel écosystème, expression d’un soft power français, ne pourra préserver sa position stratégique, qu’en étant mieux soutenu par l’État, et en se prenant en main, boosté par les locomotives du secteur.
Malgré sa force économique, l’industrie de la mode est peu soutenue par l’État. Il faut stimuler la création, unique moyen de pérenniser son leardership sur un marché international, ultra-réactif.
Le luxe a un rôle à jouer. Il pourrait être le garant de l’image de la mode française et un moteur du changement sociétal ce qui lui permettrait de pérenniser sa place unique au sein du nouveau monde qui se dessine.
L’écosystème français et européen réside dans la variété de ses acteurs. Les acteurs de la diffusion pour tous, du premium créatif pour le plus grand nombre ou d’autres modèles économiques en plein essor doivent réinventer leur place.
La création devra s’affirmer davantage, comme la colonne vertébrale de tout l’écosystème.
La filière mode française est ce titan économique qui réconcilie industrie du matériel et de l’usage avec industrie de l’immatériel, du symbolique et de l’émotion. La mode observe, anticipe et constitue une grille de compréhension de l’époque et du monde.
La création est son socle. Celle-ci devra s’adapter à un environnement plus contraignant, en préservant un niveau d’exigence, dans le luxe et la mode plus accessible en s’emparant de la technologie et de la science, en veillant au gaspillage et à la surproduction, en s’inspirant et se rapprochant des secteurs connexes, en observant mieux les attentes, usages et désirs, en embrassant les sujets de l’image et de l’expérience,
Portée par ce nouvel élan créatif et une volonté de remettre au cœur de l’écosystème les valeurs humaines, le respect et l’empathie, la mode proposera un modèle régénérant, inspirant pour toute la société.
La viabilité de l’écosystème repose avant tout sur l’humain.
- Un management à réinventer.
Sur tous les continents, la révolution du travail est en marche et le secteur n’y échappera pas.
Le management et le leadership sont remis en cause : un manque de main d’œuvre et d’attrait du secteur sur les métiers du faire, du concevoir et du organiser, un middle management qui bloque le progrès, des chefs de produit enfermés dans des grilles de compréhension du monde obsolètes, des créatifs qui cherchent des structures alternatives, des vendeurs qui veulent télé-travailler, des acteurs du service moins bien considérés
Pour raviver l’engagement et l’enthousiasme, il s’agit de construire un écosystème plus empathique, d’où émergeront de nouvelles entités et organisations, plus en phase avec les nouvelles approches du travail et plus hybridées dans les métiers.
- L’enjeu clé de la formation.
La revitalisation du secteur passe par une meilleure adéquation entre besoins des entreprises et formations proposées. Il manque toujours des techniciens, des ingénieurs, des fabricants et de nouveaux industriels.
Les nouvelles formations décloisonneront pour mieux embrasser la philosophie de l’écosystème, et recruteront davantage dans les sciences humaines pour se doter de profils plus en empathie avec la complexité du monde. Elles briseront l’entre-soi du secteur, en favorisant le collectif, la diversité et l’inclusion.
Les nouveaux métiers seront hybrides. Ils mêleront maîtrise de la data, appropriation de l’économie circulaire et amour de la création. La filière aura besoin de créatifs de la contrainte, de data scientists artistes, de chefs de produit commissaires priseurs, de vendeurs ambassadeurs chineurs…
La filière doit s’emparer de la tech et de la science, aux bons endroits, sans céder aux sirènes et aux effets de tambour.
Maîtriser la DATA, apprivoiser l’IA et les outils du Web3 aux bons endroits, sont des sujets clés pour les acteurs de la mode demain.
Savoir traiter, extraire et utiliser la donnée pour optimiser la compréhension des clients et de leurs besoins : la maîtrise de la supply-chain et de la traçabilité, les chemins de la création, les processus de production, la cartographie des sourcings, la communication et la visibilité, la relation et l’expérience client, la valorisation du patrimoine
Cette acculturation sera source d’innovation vers la nouvelle économie du re : nouvelles fibres, matières, technologies industrielles, recyclage, adaptation aux changements climatiques…
Elle favorisera l’émergence d’une double vie digitale.
Pour être plus forte internationalement, la filière doit cultiver sa singularité, en consolidant l’axe franco-italien, renforçant ses partenariats dans toute l’Europe et le bassin méditerranéen et en réinventant ses liens avec l’Afrique.
La mode doit préserver l’axe franco-Italien, clé de voûte de son aura textile et axe du renouveau industriel. France et Italie doivent mutualiser leurs forces pour renforcer l’image de la mode européenne au regard des autres puissances du monde.
La mode française doit revendiquer son ancrage européen, avec des acteurs de la fabrication (Portugal, pays de l’est), de la distribution (Espagne) et du luxe (France, Italie) fiers de leur complémentarité. Un ancrage qui doit s’étendre jusqu’au bassin méditerranéen.
Afin de cultiver l’abondance créative, il faut, avec humilité, rétablir le lien entre la France et l’Afrique en basant la relation sur l’écoute, le partage et la créativité, dans une démarche de revalorisation mutuelle.
👉 Si vous êtes une entreprise redevable et à jour du paiement de la la taxe de l’habillement (du DEFI), vous pouvez demander à accéder au replay et à la présentation diffusée lors du webinaire de restitution de l’étude en écrivant à l’adresse suivante : defi@defimode.org