Pour ce e-DEFI #20, nous avons échangé avec Lucien Pagès, fondateur de l’agence de relations publiques éponyme réputée pour son portefeuille de marques et de jeunes créateurs devenus des références de l’industrie. Lucien Pagès nous a donné sa vision de l’impact du Coronavirus sur la stratégie de développement et de communication des acteurs de l’industrie.
Selon Lucien Pagès, « la crise a obligé les marques à donner leur position réelle » sur plusieurs sujets de société : diversité, sensibilité à l’environnement et à l’éthique, etc. Si la mode est tant interpellée, c’est qu’elle a la réputation d’accompagner voire de précéder les mouvements culturels. « Nous sommes des trend setters et nous avons donc la capacité de lancer des trends positives ». Montrer son engagement n’est pas toujours simple pour les marques : « les marques sont par nature consensuelles et apolitiques, elles ont des valeurs mais elles doivent également s’adresser au plus grand nombre ». La crise a également montré la nécessité d’agir : « On pense que parce que l’on n’est pas raciste, cela suffit. Mais a-t-on assez des salariés et de cadres issus de la diversité ? Comment change-t-on un système qui engendre automatiquement des inégalités ? » Et de citer aussi Françoise Giroud sur le domaine de l’égalité Homme/Femme: « La femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignera une femme incompétente» . Dans le même temps, certains sont cloués au pilori et d’autres jouent le rôle de justiciers : c’est l’exemple de pas mal de marques en ce moment épinglées par Diet Prada : « Cela est parfois inquiétant car la justice doit être faite par les instances compétentes et ne devrait pas être la seule responsabilité des réseaux sociaux ».
Sur sa vision du monde d’après, Lucien Pagès explique qu’il envisage des changements à la marge avec un retour à la normale long et graduel : « Notre société reste capitaliste et seule l’ampleur de la crise économique pourra conduire à un changement de système ». Pour lui, un tel bouleversement serait susceptible de s’esquisser lorsque les mesures de chômage partiel prendront fin : « c’est quand le chômage partiel va s’arrêter que nous allons mieux nous en rendre compte. Pour l’instant, nous sommes en damage control et non en survival ». En ce qui concerne les tendances, Lucien Pagès imagine davantage de sobriété : « les créateurs ont été sonnés et les consommateurs sont de plus en plus exigeants ». Cela ne remet pas pour autant en question les Fashion Weeks physiques qui vont perdurer : « le défilé, c’est notre concert de rock’n’roll à nous, il est irremplaçable ».
Face à la crise, l’agence a demandé et obtenu un PGE qu’elle met pour l’instant de côté par sécurité. Son conseil aux créateurs : « il faut avoir le plus possible son propre réseau de distribution et développer sa présence en ligne et sa notoriété sur les réseaux sociaux ».