Retour sur les 22e rencontres internationales de la mode organisées par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode au Festival de Hyères

La semaine dernière se déroulait le Festival International de Mode, de Photographie et d’Accessoires de Mode de Hyères, événement phare de promotion de la jeune création internationale. Cette édition pleine de surprises célébrait les 38 ans du Festival et les 100 ans de la Villa Noailles construite par les mécènes et amis des grands noms de l’art moderne : Marie-Laure et Charles de Noailles.

Les 22e rencontres internationales de la mode organisées par la Fédération de la Haute Couture et de la Mode avec le soutien du DEFI se sont tenues le samedi. Ces discussions passionnantes réunissant des professionnels du secteur ont exploré les synergies entre intelligence artificielle générative et industrie de la mode.

Le DEFI vous en partage des points à retenir.

Table ronde 1 : de l’IA prédictive à l’IA générative, innovations et nouveaux modèles

La première table ronde analysait le passage de l’IA prédictive à l’IA générative, tout en explorant les innovations et les modèles émergents. Elle accueillait :

  • Samuel Bernier, Onepoint
  • Denis Bonnay, Université Paris Nanterre
  • Thibault Henriet, Awen
  • Michael Jais, Launchmetrics
  • Pascal Morand, FHCM

Pascal Morand a introduit la table ronde en retraçant l’histoire de l’intelligence artificielle : née dans les années 50, elle est à l’époque « symbolique » et fonctionne simplement sur la base de règles de logique. Lorsque des travaux sur les réseaux de neurones artificiels ont commencé à émerger, le machine learning puis le deep learning se sont développés. Dans ces sous-catégories de l’intelligence artificielle dite « neuronale », les algorithmes ont la capacité d’apprendre et d’améliorer leur performance dans l’exécution de tâches. L’IA prédictive est un sous-ensemble du deep-learning qui permet d’anticiper des événements futurs. C’est l’exemple des recommandations de films sur Amazon Prime en fonction des derniers films visionnés. C’est également la technologie utilisée par la société Launchmetrics pour repérer sur les réseaux sociaux les publications qui concernent leurs clients et mesurer ainsi l’impact de leurs campagnes marketing.

Contrairement aux autres modèles d’IA, l’IA générative est qualifiée de « qualitative ». Si l’IA générative repose sur de l’IA prédictive, elle permet, en plus, de créer de nouveaux contenus à partir des données analysées : textes, images, sons, vidéos, etc. Elle peut agir comme un assistant à la création. Il y a une pluralité d’offres d’IA génératives : ChatGPT n’en est qu’un modèle.

Comment cela fonctionne-t-il ?

  • Un grand ensemble de données est collecté pour entraîner l’IA. Ces données peuvent être du texte, des images, de la musique, etc.
  • Le modèle est alimenté avec ces données d’entraînement, et il apprend à repérer des schémas et des structures dans ces données. Par exemple, dans le cas d’un modèle de langage, il apprend à prédire le mot suivant dans une phrase.
  • Une fois que le modèle est entraîné, il peut être utilisé pour générer de nouvelles données en fonction des schémas appris.
  • Les données générées sont évaluées pour s’assurer qu’elles sont de qualité. Si nécessaire, le modèle peut être ajusté et ré-entraîné.

L’IA générative est utilisée dans de nombreuses applications et peut notamment contribuer au processus de création dans le secteur de la mode. C’est l’exemple de la société Awen fondée par Thibault Henriet qui permet aux marques de générer des moodboards à partir de leurs inspirations et de leurs archives.

Table ronde 2 : les défis éthiques, sociaux et légaux de l’IA générative

La deuxième table ronde a soulevé les défis éthiques, sociaux et légaux liés à l’IA qui sont nombreux et complexes. Pour en parler :

  • Matteo Amerio, Navee
  • Laurence Devillers, Université Paris-Sorbonne
  • Vincent Fauchoux, Cabinet DDG
  • Eric Peters, Commission européenne

Les principaux défis évoqués pendant la table ronde sont :

  • La confidentialité : l’IA collecte, analyse et utilise des données, ce qui soulève des préoccupations quant à leur confidentialité et à leur sécurité. Il ne faut surtout pas utiliser de secrets d’affaires ou d’informations confidentielles dans les prompts (ndlr : le texte initial fourni par l’utilisateur pour solliciter une réponse de l’IA) réalisés sur des IA publiques.
  • La manipulation : les systèmes d’IA peuvent refléter des biais présents dans les données sur lesquelles ils sont entrainés. Il est essentiel d’être conscient de ses biais et de ne pas considérer les propos de l’IA comme une vérité, mais plutôt comme une proposition, une perception.
  • La propriété intellectuelle : déterminer la propriété des créations générées par l’IA soulève des questions juridiques complexes. Il n’existe pas aujourd’hui de droit de propriété sur les œuvres générées grâce à une IA publique. Dans le même temps, il n’est pas possible d’être poursuivi pour avoir utilisé une création protégée dans la génération de son contenu car cela reste intraçable. Le développement de la traçabilité des données utilisées pour générer les contenus est primordiale afin d’éviter la contrefaçon, établir des normes de responsabilité ou rémunérer le droit d’auteur.

Selon les experts, les réglementations doivent évoluer pour faire face à ces défis. On peut d’ores et déjà citer le règlement « IA act » actuellement en discussion au niveau européen et dont l’objectif est de veiller à ce que les systèmes d’IA soient sûrs, transparents, traçables, non discriminatoires et respectueux de l’environnement. On peut également évoquer les class actions déposées contre OpenAI aux Etats-Unis pour violation du droit d’auteur.

Enfin, la formation des utilisateurs est cruciale pour un usage éclairé de l’intelligence artificielle.

Table ronde 3 : Quelles opportunités de création à l’heure de l’IA générative ?

Cette dernière table ronde explorait les opportunité de l’intelligence artificielle générative pour la création dans notre secteur. Elle accueillait :

  • Eliot Barril, Louis Vuitton
  • Franc Cheetham, Google
  • Mathilde Matteucci, Coperni
  • Paul Mouginot, Aurece Vettier et Stabbler Tech 
  • Morin Oluwole, Meta

Pour Paul Mouginot, co-fondateur de la start-up stabler.tech (qui offre des solutions de scraping), la création via l’intelligence artificielle générative peut permettre de se démarquer, voire de créer une véritable barrière à l’entrée, à condition d’y intégrer des données et des inspirations très personnelles.  Ce n’est pas encore ce que l’on observe dans notre secteur où l’on utilise le plus souvent des modèles pré-entrainés. Pour lui, l’intelligence artificielle ne menace pas la création humaine tout comme la photographie n’a pas fait disparaitre les peintres. Si elle est aujourd’hui essentiellement utilisée dans la mode pour créer des moodboards (à l’exception de la marque Acne Studio qui a réalisé la première collection entière créée grâce à l’IA), l’intelligence artificielle a la capacité de générer des revenus importants c’est notamment l’exemple des œuvres vendues sur le site Art Blocks. Un point important : ne pas créer directement sur une IA publique pour des raisons de confidentialité mais partir d’un meta model à personnaliser. 

Pour Coperni, l’intelligence artificielle est devenue un medium. Parmi leurs cas d’usage, des prints réalisés sur DALL·E ou encore les scénarios de leur campagne « Le Loup et l’Agneau » créés avec ChatGPT.

Chez les géants Meta et Google, de nombreux cas d’usages sont mis en œuvre. Meta doit prochainement lancer un studio d’intelligence artificielle ouvert à tous pour créer ses propres modèles qui seront la propriété de l’utilisateur.

En résumé, les outils d’IA peuvent analyser d’énormes quantités de données provenant des médias sociaux, des blogs de mode, des défilés de mode et des ventes en ligne pour identifier les tendances émergentes et les préférences des consommateurs.

Les créateurs de mode peuvent aussi utiliser des outils d’IA pour générer des concepts de design, suggérer des combinaisons de couleurs, des motifs et des styles mais aussi des scénarios, des histoires autour des collections etc. L’IA peut permettre un gain de temps dans le processus de création.

👉 Le replay des tables rondes est bientôt disponible.

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