Le mois dernier, The Business of Fashion a réalisé un papier sur la stratégie direct-to-consumer de Nike. Une étude de cas dont l’objectif est de montrer comment cette stratégie construite autour du brand content, de la communauté & de la personnalisation a permis de propulser le cours de l’action de Nike pendant la crise sanitaire. Nous vous proposons ici une synthèse en français du rapport de 17 pages publié sur le site britannique.
En octobre 2020 et en plein milieu d’une pandémie touchant plus de 188 pays et créant des dégâts inédits pour tout le secteur du retail, le cours de l’action de Nike a atteint un niveau record. Comme d’autres retailers, Nike avait pourtant été forcé de fermer la plupart de ses 900 boutiques réparties autour du globe, tout comme l’avaient également fait ses revendeurs clés Nordstrom et Foot Locker.
Il y a à peine 4 ans, le futur de Nike semblait encore incertain tandis que l’entreprise perdait des parts de marché au profit de son concurrent Adidas. Car si Nike est par dessus tout une entreprise de marketing qui ne vend pas simplement des sneakers mais une certaine aspiration, sa stratégie de distribution s’est longtemps appuyée sur un réseau de revendeurs extérieurs pour développer sa clientèle, au risque de diluer son image de marque. Lorsque l’arrivée du e-commerce a décuplé l’environnement concurrentiel de Nike et renforcé le pouvoir des marques, l’entreprise a réalisé qu’elle devait saisir l’opportunité de reprendre le contrôle de sa distribution et d’approfondir la relation avec ses clients.
C’est ainsi qu’est née en 2017 la stratégie « Consumer Direct Offense » dont les premières idées avait déjà germé il y a presque dix ans. ll s’agissait alors de doubler le nombre de ventes directes et de prioriser 40 des 30 000 partenaires wholesale de Nike. Tous les nouveaux investissements de la marque devaient servir cette vision direct-to-consumer et contribuer à renforcer les liens avec les consommateurs. Amorcer une telle évolution est plus facile à dire qu’à faire, en particulier pour une entreprise de la taille de Nike et dans un secteur aussi concurrentiel que le sportswear. Cette nouvelle stratégie a requis une profonde réorganisation interne et a conduit à des licenciements ainsi qu’à un changement culturel au sein de l’entreprise. Dans le même temps, les lignes de Nike se sont simplifiées, la marque s’est ouverte au lifestyle et sa communication s’est de plus en plus politisée. Focus sur la stratégie en détails :
- Un recalibrage radical du wholesale : Nike a décidé de poursuivre ses relations wholesale uniquement avec les retailers qui lui offraient un avantage stratégique spécifique et qui s’engageaient à présenter Nike de façon différenciée par rapport à ses concurrents. Après une période de test, Nike a même cessé ses relations avec Amazon face à la vente massive et non autorisée de produits Nike sur la plateforme. La marque a préféré s’ouvrir à la « digital high street » en nouant des partenariats avec Zalando ou encore Tmall. Cette curation de partenaires a permis à Nike de s’assurer que son client était traité de la même manière que ce soit chez Nike ou chez ses revendeurs.
- Un pivot vers l’e-commerce : en recalibrant son réseau de distribution, Nike a redirigé ses investissement vers le e-commerce, ce qui lui a permis de booster plutôt que de diluer son image de marque. En 2018, l’entreprise a racheté la société de data-analyse Zodiac qui a développé une solution de marketing personnalisé. En 2019, les investissements de Nike dans la data ont dépassé le milliard de dollars et ont permis à l’entreprises d’élargir son panel d’apps et de fonctionnalités en boutique. Nike a également ouvert de nouveaux entrepôts pour mieux gérer la distribution de ses commandes directes. Pour l’entreprise, le wholesale reste toutefois important car ses distributeurs minutieusement sélectionnés sont toujours clés pour gagner des parts de marché.
- Le contenu, la communauté et la personnalisation au cœur de la construction d’un lien avec la marque. Pendant les années 2010, Nike a réaloué une partie de son budget publicité au profit du digital afin de renforcer les liens avec ses clients et de mieux les analyser pour y adapter sa stratégie. Les applications développées par l’entreprise (Nike Commerce, Nike Training Club, Nike Run Club, Nike SNKRS) ont notamment joué un rôle crucial dans le suivi du comportement des consommateurs et de leurs interactions avec les produits, les contenus et les boutiques Nike. L’application Nike Commerce a contribué à améliorer l’expérience en boutique en permettant de scanner des produits pour en vérifier le stock, pour les réserver ou encore pour les payer directement sur le smartphone. L’application SNKRS, dédiée à la vente de sneakers en édition limitée et offrant une expérience ludique, rassemble désormais plus de membres que n’importe quel autre canal de l’entreprise. Pendant le confinement, les applications Nike Training Club et Nike Runing Club, devenues gratuites, se sont transformées en importants canaux d’acquisition. Grâce à toutes les datas qu’elle collecte, l’entreprise travaille aujourd’hui à la customisation des ses produits et non plus simplement à la personnalisation de la relation client. Pour servir cette nouvelle stratégie, Nike investit dans la fabrication à la demande.
- Des boutiques pour mettre la marque en scène : cette stratégie s’est d’abord matérialisée avec l’ouverture de plusieurs flagships « House of Innovation » qui proposaient ateliers de customisation, événements ou encore des services de personnal shopper. Ces flagships étaient dans le même temps connectés aux fonctionnalisé de l’application Nike. C’est ce format qui sera utilisé par la suite comme un modèle pour les autres boutiques. La marque a également développé trois autres formats : un dédié au running, basketball et football (Nike Rise), et deux plus petits dont l’un dédié à des catégories de produits spécifiques (Nike Live) et l’autre dédié aux sports et à la communauté (Nike Unite). Pour optimiser ses assortiments en boutique, l’entreprise a racheté la société d’intelligence artificielle Celect en 2019.